QUI-VIVE de Valérie Zenatti - Éditions de l’Olivier
- Béatrice Arvet
- 17 févr. 2024
- 2 min de lecture
Accablée par une actualité de plus en plus anxiogène, une quinquagénaire part chercher des réponses à ses questions en Israël. Accompagnée par les voix de Léonard Cohen et de son grand-père, privée du toucher, elle espère retrouver un « sens », une raison de vivre dans ce chaos. Un portrait de femme aux aguets qui fait intensément écho à nos préoccupations contemporaines.

Tout a commencé avec la disparition de Léonard Cohen en 2016, qui renvoyait fortuitement à l’élection de Donald Trump aux États-Unis. D’un côté « Des notes, un timbre, des mots qui nourrissent l’âme d’une substance irisée », de l’autre le culte de l’argent et le dévoiement de la parole. Mathilde, la cinquantaine, insomniaque depuis le confinement, avait rejeté Dieu dès l’adolescence et trouvé une alternative dans l’étude et l’enseignement de l’Histoire. Contrairement à un courant de pensée, elle sentait bien que cette dernière n’avait pas dit son dernier mot au moment de la chute du mur. Après le 11 septembre, puis la série d’attentats qui a touché les États-Unis et l’Europe, la pandémie … la guerre en Ukraine balaie d’un coup ses certitudes. Peut-on poursuivre une existence confortable quand la souffrance des autres est si proche ? De quelle manière aborder l’Histoire lorsqu’on n’en comprend plus la signification ? « Comment vivre avec un Dieu présent-absent, avec l’amour, la violence, et l’énigme de sa propre existence » ?
Parfois, au moment où tout s’effondre autour de soi, « le désir de croire est plus fort que la raison » et incite à des basculements vers les extrêmes. Dans ce roman riche en interrogations, Valérie Zenatti exprime le malaise récurrent de ceux qui suivent avec inquiétude la marche du monde. Face à l’Histoire qui s’accélère et dont les répercussions s’invitent dans notre quotidien, à l’influence grandissante des populistes, aux fractures idéologiques irréconciliables, est-il possible de retourner les événements, de revenir à l’innocence, la bienveillance, l’amour ?
Valérie Zenatti dépeint une femme sur le « qui-vive », prête à tout observer, écouter afin d’appréhender le futur. De cette tentation de descendre du train de l’histoire en marche, elle fait un périple initiatique touchant, avec de jolis passages sur le pouvoir d’une voix, d’une chanson, d’une sincérité. Un court roman, dense, touchant, écrit avant le 7 octobre, dont la fin augure la puissance avec laquelle les ténèbres veulent s’imposer à nos sociétés.
Béatrice Arvet
Article paru dans l'hebdo La Semaine du 25 janvier 2024
REPÈRES
Valérie Zenatti est née en 1970 à Nice. En 1983, ses parents s'installent en Israël où elle reste 8 ans. Après des études d'hébreu et un poste de professeur à Lille, elle se consacre à l'écriture et à la traduction de l'œuvre d'Aharon Appelfeld (1932-2018). Son premier roman " En retard pour la guerre " (L'Olivier) en 2006 a été adapté au cinéma par Alain Tasma sous le titre « Ultimatum ». Elle a reçu le prix France Télévisions pour l’essai « Dans le faisceau des vivants » (L’Olivier) et depuis 2018, elle est présidente de la commission Littérature étrangères du CNL.
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