LES SENTIERS OBSCURS DE KARACHI d'Olivier Truc - Éditions Métailié
- Béatrice Arvet
- 9 avr. 2023
- 2 min de lecture
Olivier Truc utilise la fiction pour donner une version réaliste du volet pakistanais de l’affaire Karachi, qui vingt ans après, n’a toujours pas livré tous ses mystères. Articulé autour d’amitiés avortées et d’un amour impossible, ce thriller politique captivant revient sur les lieux du crime en restant toujours au plus près de l’humain et des vies détruites par le drame.

Le 8 mai 2002, un attentat devant l’hôtel Sheraton à Karachi, a fait quatorze morts et dix-huit blessés dont la majorité étaient des techniciens français de la Direction des constructions navales (DCN). Quelles en étaient les véritables motivations ? Les ingénieurs travaillaient à l’élaboration de trois sous-marins de type Agosta 90B, contrat passé en 1994. Si la justice hexagonale a longuement abordé le volet politique, notamment du point de vue des rétrocommissions, elle ne s’est jamais penchée sur le côté pakistanais où trois islamistes condamnés par la Haute cour de la province du Sindh ont été acquittés en 2009. Pour l’instant, aucun lien entre l’explosion et l’arrêt des rétrocommissions à l’initiative de Jacques Chirac n’a pu être établi. Était-ce une mesure de rétorsion ? Des rivalités entre l’armée de terre et la marine ? Une histoire de transfert de technologies ?
D’un bout à l’autre du monde, des hommes sont restés blessés à vie, dans leur chair et dans leur âme, dévastés de n’avoir jamais su la vérité. Olivier Truc a enquêté auprès des survivants et rencontré des personnes impliquées dans les événements. Il les met en scène par le biais de Jef, un journaliste cherbourgeois, plus habitué au festival du cidre qu’aux affaires internationales, qui décide, contre l’avis de sa rédaction, de partir à Karachi chercher des informations sur cet attentat ayant détruit l’existence de son père et de son ami Marc. Rapidement repéré, le jeune reporter, plein de bonnes intentions, devra apprendre à ruser avec les féroces services secrets de la république islamiste, tout en tentant de faire parler des hommes enfermés dans le silence depuis vingt ans.
À défaut de preuves, la fiction permet au romancier de « mentir en connaissance de cause » et de recréer ce qui ne peut être démontré. Au cœur du dispositif, la ville de Karachi dévoile ses multiples facettes où se côtoient le meilleur et le pire, des islamistes et des poètes, des services secrets corrompus et des officiers au sens du devoir irréprochable, des délateurs et des femmes courageuses. Ce roman palpitant contient autant de péripéties que de portraits attachants d’individus pris dans les filets de la politique. Un bon compagnon pour les week-end de printemps.
Béatrice Arvet
Article paru dans l'hebdo La Semaine du 16 mars 2023
REPÈRES
Né en 1964, Olivier Truc est journaliste et documentariste. Il vit à Stockholm depuis 1994 et a été correspondant de RTL, Le Point, Libération et le Monde. Il a publié plusieurs récits, 6 romans et 2 bandes dessinées. « Le dernier lapon » a obtenu, entre autres, le prix quai du polar en 2013.
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