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LE DÉLUGE de Stephen Markley - Éditions Albin Michel

  • Béatrice Arvet
  • 12 oct. 2024
  • 3 min de lecture

En anticipant les conséquences du réchauffement climatique jusqu’en 2040, Stephen Markley réussit non seulement une dystopie brillante et tout à fait crédible, mais un roman haletant, dont les rebondissements savamment dosés retiennent le lecteur pendant 1040 pages. Une véritable performance qui a nécessité dix ans de travail.


Une hausse de températures peut provoquer « le passage brutal d’un état ordonné à un état désordonné ». Ce qui est vrai pour les clathrates capables de libérer de fortes quantités de méthane dans la mer, l’est à peu près pour tout, y compris les hommes et la planète. Tempêtes dévastatrices, typhons, inondations, canicules, sécheresse, feux, éboulements, fonte des glaces, augmentation du niveau de la mer …. L’impact de l’effet de serre est bien connu et déjà perceptible. Pour l’instant, il se manifeste par des records chaque année dépassés, sans vraiment modifier les comportements. À l’aide de sept personnages, tous impliqués de près ou de loin, Stephen Markley prédit le chaos qui nous guette si aucune mesure sérieuse n’est prise et il excelle à nous faire peur.

 

ILS  SAVAIENT …

 

En 2014, Tony Pietrus, un océanographe, avait publié un livre prémonitoire exposant clairement l’évolution du climat et comment l’enrayer. Du côté des convaincus de l’urgence à agir, Kate Morris, charismatique, hors norme, dérangeante, à la tête d’un mouvement pacifique, est prête à tout pour faire passer l’écologie avant les problèmes de racisme, de chômage ou d’immigration et donc, pourquoi pas, à favoriser l’ascension d’un républicain à la Maison Blanche en 2028. Shane appartient à un réseau clandestin d’écoterrorisme qui s’attaque aux installations pétrolières et aux « Carbon Majors » responsables de 70% des émissions depuis les années 80. Ashir, brillant mathématicien, sorte de robot cérébral incapable d’exprimer des sentiments, s’épuise à rendre des rapports sur l’état du monde à des gouvernants dépassés. Au milieu de cette mouvance, Jackie, jeune communicante carriériste, réussit, grâce à une campagne brillamment manipulatrice à faire capoter la seule loi ayant une chance d’éviter le désastre.

 

 

JUSTE AMPLIFIER LE PRÉSENT …

 

Stephen Markley ne se contente pas d’effleurer le sujet, il détaille toutes les facettes politiques, scientifiques, économiques, financières, sociales, civilisationnelles dérivant d’un changement radical de climat. Sur 5 élections présidentielles américaines (une démocrate gagnerait celle de 2024, tiens, tiens !), on suit les tentatives (ou non) des élus de contrer les lobbies pétroliers, les marchés, les climatosceptiques, d’assurer l’ordre dans ce qui évolue vers une violence sans précédent. Toutes les influences sont décortiquées, analysées, jusque dans leurs implications les plus infimes, laissant apparaître des priorités souvent déconnectées du réel.  Dans un contexte de paupérisation et d’agressivité, où les catastrophes naturelles se succèdent à toute allure, rendant les infrastructures inactives, où les famines s’installent ainsi que les razzia et où chacun tente de préserver de quoi survivre, la dérive extrême-droitière s’amplifie, la hiérarchie des valeurs se transforme et la population est parfois plus encline à suivre les préceptes d’un gourou que des scientifiques.

 

UN SOUFFLE EXCEPTIONNEL

 

Il faut un minimum de courage pour attaquer ce pavé - 1,2 kg tout de même - qui stimule autant les muscles que la production d’adrénaline. Au-delà d’une planète qui s’engouffre dans une spirale destructrice, Stephen Markley élabore un véritable roman, d’une ampleur impressionnante. Il y a fort à parier que ce livre bluffant, à la fois roman d’aventures aux airs de thriller, réflexion approfondie sur notre condition humaine et analyse documentée des prévisions scientifiques, deviendra culte pour les générations X et Y, si concernées.

 

                                                                                                                      Béatrice Arvet


Article paru dans l'hebdo La Semaine du 12 septembre 2024

 

REPÈRES

 

Stephen Markley est né en 1983 dans l’Ohio. Il est diplômé de l’Iowa Writers’ Workshop. Il a publié un essai « Publish this book » en 2010. Il vit à Los Angeles. On avait déjà particulièrement aimé « Ohio » (Gallimard, 2020), son 1er roman, qui est en cours d’adaptation pour HBO et a reçu le prix de littérature américaine. "Le déluge" aurait bien mérité l'un des prix de novembre.

 

 

 
 
 

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