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LA COLÈRE ET L’OUBLI de Hugo Micheron - Éditions Gallimard

  • Béatrice Arvet
  • 7 oct. 2023
  • 3 min de lecture

LES DÉMOCRATIES FACE AU JIHADISME EUROPÉEN


Après avoir décrypté les particularités du jihadisme hexagonal, Hugo Micheron élargit son étude aux origines du phénomène et à ses ramifications internationales. De la fin de l’invasion soviétique en Afghanistan à aujourd’hui, Il retrace l’histoire d’un mouvement, qui n’en finit pas de renaître de ses cendres. Édifiant et inquiétant.


En 1989, alors que l’URSS retirait ses troupes d’Afghanistan, que le mur de Berlin tombait et que le système soviétique s’effondrait, plusieurs branches jihadistes apparaissaient à Peshawar (Pakistan), démentant la fin annoncée de l’Histoire. La plus influente, théorisée par Abdallah Azzam (1941-1989), financée partiellement par Ben Laden, en rivalité avec d’autres factions, posait des jalons un peu partout en Europe, à travers des machines de prédication « chargées de révolutionner l’identité musulmane » et de neutraliser les dynamiques d’intégration ». À partir des années 90, elle essaime un salafo-jihadisme dans les quartiers difficiles en France, en Belgique, en Scandinavie, aux Pays-Bas, en Allemagne ou en Grande-Bretagne (le Londonistan). Une réalité passée sous les radars longtemps après les premiers attentats et que l’on a beaucoup trop tendance à négliger pendant les périodes de calme.


DE PESHAWAR À L’EUROPE


Hugo Micheron remonte à la source du mouvement, lorsque des anciens du jihad afghan et du GIA algérien, désœuvrés, se sont répartis entre Peshawar, les Balkans et l’Europe. Il pointe les responsabilités des américains avec leur soutien sans discernement aux moudjahidin contre les communistes, avec la gestion aberrante de l’Irak post Saddam Hussein et avec les prisons de Guantanamo ou d’Abou Ghraib, « une erreur historique » ayant largement inspiré les mesures de rétorsion contre les occidentaux. Né à des milliers de kilomètres, le mouvement a été importé en Europe, sur des territoires où le terreau était favorable, sans correspondre systématiquement aux ressentiments colonialistes (la Scandinavie très touchée n’a pas de passé expansionniste) ou à des zones économiquement sinistrées. Six mille ressortissants européens ont rejoint une organisation combattante pendant la guerre en Syrie, avant que l’on commence à prendre conscience de l’ampleur de la situation.


UN PHÉNIX JAMAIS VRAIMENT VAINCU


À chaque vague d’attentats, l’émotion est grande, la surveillance renforcée, les lois adaptées, puis on oublie, sans se poser la question de la survie de l’idéologie, ni anticiper la forme qu’elle prendra à la prochaine offensive. Hugo Micheron insiste sur le cycle sinusoïdal du mouvement, un enjeu majeur de nos sociétés occidentales, autant par le fait qu’il met en danger les démocraties en les obligeant à tordre leurs valeurs, que par sa capacité à devenir invisible durant les périodes de déclin.

Fruit de plusieurs années de travail, ce livre, très accessible, offre une vue documentée des forces de moins en moins clandestines à l'œuvre en Europe. Il est indispensable pour comprendre les transformations sociétales que nous subissons depuis l’affaire Kelkal en 1995 et dont les conséquences ne peuvent plus être ignorées dans les stratégies d’avenir.


Béatrice Arvet


Article paru dans l'hebdo La Semaine du 6 juillet 2023



REPÈRES


Né en 1988, Hugo Micheron est enseignant-chercheur, spécialiste de la radicalisation islamiste et des relations entre la France et le Moyen-Orient. Il a vécu de 2008 à 2009 en Syrie. Dans le cadre de son doctorat réalisé à l’ENS sous la direction de Gilles Kepel, il a enquêté deux ans dans les prisons, auprès de quatre-vingt jihadistes revenant de Syrie, a rencontré certaines de leurs familles, et s’est rendu en Turquie, en Irak et au Liban. Il est maître de conférence à Sciences Po et chercheur au CERI. De 2020 à 2022 il a enseigné à l’université de Princeton. Il a publié 2 essais sur le djihadisme.






 
 
 

1 commentaire


denier1402
08 oct. 2023

Je suis impressionné par la clarté de ton résumé sur ce sujet complexe. Bravo !

Denis

Modifié
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