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L’ORIGINE DES LARMES de Jean-Paul Dubois - Éditions de L’Olivier

  • Béatrice Arvet
  • 11 juil. 2024
  • 3 min de lecture

Elle rodait en filigrane dans ses derniers livres. Cette fois, la mort devient le personnage principal d’un roman qui, malgré un point de départ cocasse, est d’une noirceur totale. Déstabilisant de la part d’un auteur dont l’humour, même désabusé ou décalé, ne faisait jamais défaut.

 

L’eau, la mort, les larmes. Voilà le décor dans lequel nous immerge le dernier roman de Jean-Paul Dubois, non sans avoir annoncé que son narrateur venait de tirer deux balles dans la tête de son père … décédé depuis quinze jours. Devant ce cas pour le moins inhabituel, la justice condamne Paul à une obligation de soins pendant un an, avec un psy dont l’œil gauche pleure autant que le ciel toulousain, qui n’en finit pas de déverser des trombes d’eau sur la ville depuis des mois. Nous sommes en 2031 et une vague de pluie inexpliquée succède à la sécheresse des années 20, due au réchauffement climatique.

En se rendant chaque mois chez le thérapeute, Paul raconte l’enfer que lui a fait vivre son père, un escroc de petite envergure, excepté dans l’art de torturer un enfant sans défense et rempli de culpabilité à l’idée d’être le seul survivant d’un accouchement ayant tué sa mère et son jumeau. Si l’on ajoute à ce tableau que sa belle-mère, unique personne aimante de son entourage, lui a légué une entreprise de housses mortuaires, florissante surtout en période de Covid ou de guerre, on croit retrouver un peu de la fantaisie grinçante de l’écrivain. Que nenni. Il nous plonge dans un océan de déprime, d’injustice, de tristesse, d’enfance volée, de cruauté de la part d’un père cynique et de pulsions vengeresses à l’annonce de sa mort.

Jean-Paul Dubois va loin dans l’exploration des sévices, de leurs conséquences, nous entrainant dans une spirale morbide assez oppressante. On reconnaît ici cette tendance à considérer la vie comme un passage sur terre absurde, cruel et sans espoir. La fin est au centre de ce texte déroutant où la naissance est placée sous le signe d’une domination familiale ou sociétale, qui ampute la possibilité du bonheur.

Cependant, étrangement, cette quête de « L’origine des larmes » se lit sans déplaisir. On s’attache à cette ultime version d’un Paul un peu autiste, qui communique avec une intelligence artificielle ou un chien. Si les tics récurrents de l’œuvre de Jean-Paul Dubois sont (presque tous) absents, l’écriture, précise, savante parfois, raffinée toujours, montre qu’il n’a rien perdu de sa vigueur littéraire. En 2031, il aura 82 ans et encore beaucoup d’années, on l’espère, pour nous régaler de son élégante déprime.

                                                                                                                      Béatrice Arvet


Article paru dans l'hebdo La Semaine du 30 mai 2024

 

REPÈRES

 

Né en 1950 à Toulouse, Jean-Paul Dubois a travaillé comme journaliste à Sud-Ouest, au Matin de Paris, puis comme grand reporter au Nouvel Observateur pour lequel il a couvert les Etats-Unis pendant quinze ans. Certains de ses romans ont été adaptés au cinéma ou à la télévision : entre autres, " Kennedy et moi " (Seuil, 1996) par Sam Karmann, " Vous plaisantez, monsieur Tanner " (L'Olivier, 2006) par Stefan Liberski et " La cas Sneijder " par Thomas Vincent. " Une vie française " (L'Olivier, 2004) a reçu le prix Femina et le prix du roman Fnac en 2004 et « Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon » le prix Goncourt 2019.

 

DERNIERS OUVRAGES PARUS

 

Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon – L’Olivier, 2019

La succession – L'Olivier, 2016

Le cas Sneijder – L'Olivier, 2011

 
 
 

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