HORN VENAIT LA NUIT de Lola Gruber - Éditions Christian Bourgois
- Béatrice Arvet
- 16 mars 2024
- 2 min de lecture
En talonnant deux personnages, l’un empêtré dans une quête hasardeuse des origines et l’autre perdu dans ses souvenirs de jeunesse, Lola Gruber nous fait traverser l’Europe de l’Est, des années 30 à aujourd’hui, avec autant d’humour que d’émotion. Un roman singulier.

Quelque part dans l’ancien Berlin Est, la vieille Ilse est bouleversée. Une lettre glissée sous sa porte fait renaître du fond de sa mémoire, un passé de joies éphémères et de pertes récurrentes. Naître allemande dans la jeune Tchécoslovaquie n’était déjà pas un cadeau du destin, cependant que la guerre et l’oppression soviétique ont continué à semer des drames dans l’existence de cette jeune fille intrépide, passionnée de théâtre, promise à un bel avenir sportif si un accident ne l’avait rendue boiteuse.
De son côté, plaqué par sa compagne pour inaction, viré de son travail pour distraction, Simon Ungar, sans projet, décide de partir sur les traces hongroises de ses aïeuls. La légende du grand-père - juif fantasque, héros ou salaud, ce n’est pas bien clair – raconte qu’il aurait combattu les nazis, puis les communistes, caché des fusils dans un théâtre et soi-disant sauvé un grand auteur des griffes de la police. De Bratislava à Budapest, il mène une enquête improbable, sans indice, ni stratégie, en se laissant porter par les rencontres et les événements.
On ne s’étonnerait pas de trouver son nom dans un roman de Modiano. Peut-être est-ce pour cette raison que Lola Gruber arpente les couloirs du temps, dans le but de forcer les épisodes lointains à trouver un sens dans le présent. Cela ne marche pas toujours et en jonglant avec l’autodérision, elle donne à son enquête une forme inédite, qui réconcilie avec un genre souvent galvaudé.
Si les personnages sont fictifs, leurs profils, les faits, les pièces citées, s’inspirent d’éléments réels. Entre les investigations aléatoires de Simon et l’itinéraire empêché d’Ilse, les passerelles sont subtiles, l’auteur évitant habilement les pièges d’une surenchère sentimentale. L’alternance des points de vue, tout en nourrissant l’attention du lecteur, donne une apparente légèreté à la prose fouillée de ce récit, qui rapporte une part méconnue de l’histoire des Allemands des Sudètes. Décidément, ce roman est une belle découverte.
Béatrice Arvet
Article paru dans l'hebdo La Semaine du 22 février 2024
REPÈRES
Née en 1972, Lola Gruber a travaillé dans les milieux du théâtre et du cinéma. Elle a déjà publié un recueil de nouvelles et deux romans et s’est fait connaître grâce à « Trois concerts » (Phébus, 2019), qui a obtenu 4 récompenses, dont le prix Pelléas Radio Classique et le prix Alain Spiess.
Dimanche matin. Une fois levé, je me prépare un café long et choisis l'endroit de la maison où je vais m'asseoir, mon ordinateur à la main. C'est le moment de savourer les deux minutes de plaisir que je me réserve pour lire la chronique hebdomadaire de Béa. L'écriture fluide et les mots choisis me font percevoir instantanément une atmosphère. Je m'observe ressentir le plaisir de cette lecture. Cette sensation, délicieuse, vient même parfois perturber ma concentration. Je relis alors la phrase pour reprendre le fil de la chronique, terminant une fois de plus avec l'envie de te dire, Béa, combien j'aime ce moment renouvelé chaque semaine.