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CE QUE FAISAIT MA GRAND-MÈRE À MOITIÉ NUE SUR LE BUREAU DU GÉNÉRAL de Christophe Donner (Grasset)

  • Béatrice Arvet
  • 25 mars 2023
  • 3 min de lecture

Le titre est intriguant et le suspens évidemment préservé jusqu’à la fin. Christophe Donner continue son exploration de l’extrême-droite hexagonale, tout en mêlant l’histoire de sa propre famille, les rapports houleux entre de Gaulle et Pétain et en s’amusant d’une nouvelle manière d’appréhender l’art. Cynisme et dérision sont au programme de cette construction moins désordonnée qu’il n’y paraît, particulièrement efficace pour tenir le lecteur en haleine.


En novembre 1923, le suicide de Philippe Daudet, a-t-il mis fin à l’expansionnisme fasciste en France ? En tout cas, elle a sonné le glas de la carrière de son père, Léon Daudet, député monarchiste et antirépublicain, patron de « l’Action française », « authentique tueur à gages », porté par « un mépris de classe, de race, viscéral ». L’ado de 14 ans, élevé au lait d'un nationalisme pur et dur, se revendiquait anarchiste et s'apprêtait à commettre un attentat contre des représentants de la république, peut-être même contre son père. L’affaire n’aurait pas fait grand bruit sans la manchette du Libertaire, journal anar, dévoilant les choix politiques du jeune homme. Fou de rage, convaincu après-coup de l’assassinat de son fils, Léon Daudet entama une croisade médiatique, associée à de multiples procès, qu’il ne réussit jamais à gagner et qui le mena en prison, puis à un exil de trois ans en Belgique.

Après « La France goy », en écho à « La France juive », pamphlet antisémite publié en 1886 par Édouard Drumont, Christophe Donner s’attarde sur l’entre-deux guerres, une époque où la politique montrait régulièrement son pire visage. Il continue à puiser dans les lettres de son arrière-grand-père à sa maitresse, le témoignage d’une amitié temporaire avec Léon Daudet et des notes concernant les troubles psychologiques de Philippe, que son aïeul, masseur kinesthésique, avait un temps essayé de soigner grâce à l’hypnose. En parallèle, on suit le parcours du général de Gaulle, pas encore général, contraint d’écrire un livre pour le maréchal Pétain et d’avaler quelques couleuvres en attendant d’accomplir son destin ... et nous, de découvrir, enfin, ce que faisait la grand-mère sur son bureau.

Parallèlement, le narrateur passe un pacte avec un oligarque russe, qui lui achète les fichiers de son roman en cours d'élaboration, l’œuvre n’étant plus définie par sa qualité, mais par le fait d’en être l’unique propriétaire ; le tout payé en ether bien sûr, histoire d’aller au bout de l’absurde contemporain.

Christophe Donner a le sens des associations amusantes et des mises en perspective insolites. S’il s’attaque à l’histoire par le biais d’anecdotes peu connues ou en rappelant la violence des attaques dans une presse militante, qui n’hésitait pas à mentir ou à donner les adresses des ennemis à abattre, il s’agit bien ici d’une recherche mémorielle. Contrairement aux apparences, le récit suit une logique, brouillonne certes, mais fructueuse et l’astuce narrative joue parfaitement son rôle de « harponneur ».


Béatrice Arvet


Article paru dans l'hebdo La Semaine du 16 février 2023


REPÈRES


Né en 1956, Christophe Donner a été acteur, monteur, scénariste, chroniqueur hippique … tout en publiant une cinquantaine d’ouvrages, notamment pour la jeunesse ou en incluant des recherches historiques à sa propre biographie familiale. « L’Empire de la morale » a reçu le prix de Flore (Grasset, 2001) et « Ainsi va le jeune loup au sang » (Grasset, 2003) a été lauréat du prix Jean-Freustié.


 
 
 

1 Kommentar


Denis Fournier
Denis Fournier
27. März 2023

Une fois encore, je savoure ta prose et la construction de ton discours. Merci Béa !

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