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BIOTOPE d'Orly Castel-Bloom - Éditions Actes Sud

  • Béatrice Arvet
  • 15 mars
  • 2 min de lecture

Le biotope dans lequel nous immerge Orly Castel-Bloom est un quartier animé de Tel-Aviv dont une faune atypique compose le cœur vivant. À l’aide d’un narrateur un brin autiste, elle oppose, avec beaucoup d’humour, l’effervescence absurde de la ville à la solitude d’un individu déconnecté des réalités.

 

Né d’une mère protestante normande et d’un père juif ashkénaze, Joseph Shimel vit en Israël où il a enseigné plusieurs années la littérature française à l’université. Après la défection de ses élèves et n’ayant jamais validé son doctorat (sur le rapport de Balzac à la nourriture !), il se retrouve au chômage. Depuis il végète dans son appartement du boulevard du roi Saül, partageant son temps entre des promenades avec son chien et une consommation compulsive de cigarettes sur son balcon, d’où il surveille les mouvements du parking. À court d’argent, il finit par trouver un travail auprès d’une avocate douteuse, qui s’occupe de l’intégration des candidats français à l’immigration.

Assumé par son auteur, le texte se déploie en suivant fidèlement le mode balzacien, soit « une longue introduction, une accélération et une fin soudaine ». Et il faut reconnaître que les ruminations de ce narrateur solitaire, déclassé, enfermé dans son univers, semblent au départ un peu fastidieuses. Cependant, assez vite, prend vie le carrefour ultra bruyant où se situe l’appartement de Joseph, qui connaît chaque élément de ce microcosme. SDF trimballant leurs maigres possessions, drogués attendant leur dose de méthadone, automobilistes jouant du klaxon, cyclistes, passagers des bus et piétons hyper stressés … peuplent ce quartier sonore, dont la fréquentation ramène inévitablement à la précarité de chacun. Car c’est bien le véritable sujet de ce roman, la fragilité d’un statut, la probabilité de l’échec, la manière dont une position peut se renforcer ou s’effondrer.  

À partir de la rencontre du narrateur avec un certain Dvir Shoam, aussi louche que son employeuse, Orly Castel-Bloom orchestre la chute tragi-comique de son narrateur, inapte aux relations sociales. Tel-Aviv agit ici comme un ogre dont l’appétit avale tous ceux qui ne suivent pas son rythme effréné, où la fièvre immobilière et financière semble sans fin. Un roman des laissés pour compte dans lequel la force d’extrapolation et le sens du cocasse estompent la noirceur.  

 

                                                                                                                      Béatrice Arvet


Article paru dans l'hebdo La Semaine du 20 février 2025


REPÈRES


Née en 1960 à Tel-Aviv, Orly Castel-Bloom est considérée en Israël comme une romancière particulièrement audacieuse. Enseignante en création littéraire à l'université de Tel-Aviv, elle a publié 11 ouvrages dont "Dolly City" (Actes Sud, 1993) et "Le Roman égyptien" (Actes Sud, 2016).

 
 
 

1 Comment


denier1402
Mar 18

Coucou Béa,

Ta chronique m'a transporté. Je me suis surpris, en te lisant, à être sur mon balcon, appuyé sur une maigre rambarde métallique, à pomper sur ma cigarette alors que je ne fume plus depuis 20 ans, à entendre les bruits de la rue sans les écouter. Ton texte est expressif et suggestif. Bravo et merci !

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